mercredi 23 janvier 2008

Tout n'est pas perdu

17h30. J'entends le bruit des clés sur le pallier, la porte s'ouvre. *** me sourit. -ça va?- J'ai pas le temps de répondre, il a déjà filé vers la salle de bain. Il en ressort un quart d'heure plus tard, en "civil", les traits tirés mais un grand sourire sur les lèvres. 
-Alors, tu m'as pas répondu avant, ça va?
Il s'est glissé à côté de moi sur le canapé. 
-Dis-moi, t'avais des projets pour ce soir? 
On est en plein milieu de semaine, ni anniversaire, ou autre fête, et je lui ai fait un dîner surprise la veille, donc non, pas vraiment... 
-Oui, peut-être, je sais pas. Pourquoi ?
Je lève à peine les yeux de mon livre pour répondre.
Il se rapproche un peu plus, glisse son bras sur mes épaules pour m'attirer contre lui et débite à toute vitesse. 
- P nous invite à boire l'apéro, histoire que tu le rencontres. Un truc vite fait, ça te dit?
-Humf, oui, pourquoi pas ?
Allez hop, ça peut pas faire de mal, un apéro vite fait. 
Un bisou, il se détend, il câle ses pieds sur la table basse et allume la télé, alors qu'il ne la regarde jamais. Comme toute personne qui n'a pas regardé la télé depuis longtemps, il zappe comme un malade, s'émerveillant des conneries apparues les 5 dernières années.
- Putain, 1euros 50 plus le prix de 2 sms pour savoir le nom de ton futur mec...
Je souris. moi, à une époque, j'avais fait un rituel dans ma chambre, en brulant une mèche de mes cheveux, du gros sel et une prière en langue non identifiée sur du papier. Une fois les objets consummés, je devais voir apparaître le nom de l'homme de ma vie dans les cendres. A 15 ans, on fait des choses bizarres. Si j'avais pu envoyer un sms, j'aurais eu une réponse, même fausse, et j'aurais évité la giffle de ma mère. Comme si j'avais pu prévoir que le morceau d'alu posé sur le sol de ma chambre allait faire fondre les poils synthétiques de la moquette!
- Tu sais les ados...

19h, on est prêt. Petite blague entre nous : tu bois ou tu conduis? P habite l'immeuble en face. Je repense à notre première sortie gendarmique, il y a un mois. Un restau mexicain avec deux de ses collègues et la femme de l'un. Elle s'est directement mise en face de moi, et quand la conversation a commencé, elle m'a accaparée. Comme si ce que racontait "nos hommes" ne pouvait pas m'intéresser. 
-Tu fais quoi dans la vie? 
-Ben je fini mes études et...
-Quelle année ?
- 5ième, en ...
- j'ai jamais compris les gens qui faisait autant d'années d'études, A quoi ça sert?
A rien, je finirai par pointer au chômage pour pomper la tune que toi tu payes en impôts. Personne t'as dit que c'est à ça que ça servait, les études?
Je fais un sourire poli, la soirée risque d'être longue. Et elle l'a été.
-Moi, je me mêle jamais des histoires des nénettes de l'escadron. C'est toutes des harpies qui ne pensent qu'à médire. 
Bon point pour toi.
-La semaine dernière, par exemple, la femme de X s'est garée sur MA place de parking, alors qu'elle en a une à l'autre bout de ....

A côté, ces messieurs s'étaient penchés, vers S. qui racontait sûrement une connerie en jetant des coups d'oeil en coin à sa femme.
H s'est retournée comme une furie et lui a lancé
- Ah ça y est,, tu parles de tous tes trucs de cul...
s'en est suivie une dispute sur la confiance, les déplacements, les boîtes, la connerie masculine... J'ai rien compris. Lui, moi et le dernier collègue, on regardait le plafond. 
Quand H furieuse s'est levé pour aller aux toilettes, je l'ai suivie. 
- Tu verras, au début, ils sont tout mielleux et après, à force de s'entraîner entre eux, ils t'en font des belles pendant qu'ils sont en déplacement. Et je sors, et je bois, et je drague, méfie-toi et ne fais jamais confiance.
Je voyais pas ma relation avec *** commeça, mais autant pour moi, je suis novice en matière de gendarmerie.
On revient à table. Le silence gêné se poursuit.
Mon "homme", la prochaine fois c'est moi qui bois et c'est toi qui conduis!!

Mais ce soir, pas de problème de ce genre : on y est allé à pied. Et contre toute attente, la soirée était sympa. Après les deux premières bouteilles de vin, P nous a fait un blindtest des pires chansons d'amour des dernières décennies. j'étais incollables. De Roch Voisine à Scorpions, en passant par Cabrel et U2, même Eros Ramazotti. P m'a soutenu que c'était son arme infaillible de drague, les chansons d'amour. Je me suis foutue gentiement de lui. Et oui, c'est un lover. Pendant ce temps, *** regardait le fond de son verre en répétant de sa voix pâteuse : 
-Mais arrête-moi cette merde, c'est que de la daube, puis il se retournait vers moi et me lançait,
-rien ne vaut un zouk, non?
Je ris jaune, mais ça, c'est une autre histoire
Soirée sympa. Tout n'est pas perdu.

dimanche 20 janvier 2008

mon "homme" est un gendarme...

J'ai donc décidé de vivre avec mon "homme". Je ne supporte pas cette expression. M. me l'a fait remarquer la dernière fois que je l'ai vue. C'est d'ailleurs elle qui m'a insufflé l'idée de ce blog, pour évacuer les nombreuses tensions que me procurent l'idée de vivre en caserne. 
Les gendarmes entre eux déjà ne différencient pas la petite amie de la copine, de la fiancée, de l'épouse . Ils disent "ma femme". Et probablement par mimétisme, les nanas disent "mon homme". Les groupes sociaux quels qu'ils soient inventent leur propre langage, leurs codes, mais je vous jure que la première fois où on m'a demandé "alors, tu dois avoir hâte de venir rejoindre ton homme à l'escadron" j'ai juste pu faire un sourire en hochant la tete. La "femme de gendarme" a du penser que j'étais émue. J'avais juste enfui de m'enfuir en courant
Quand il a été clair que ma relation avec Lui, n'était peut-être pas vouée à finir tout de suite en queue de poisson, je me suis intéressée à la gendarmerie. Et parmi les sites aseptisés glorifiant l'engagement et bla bla bla, j'ai trouvé un truc pire : les discussions des "femmes". J'en avais déjà rencontré, lorsqu'Il était GAV. J'avais déjà entendu ce genre de discours "au début, quand il était en déplacement, je m'emmerdais tellement que j'ai pris un chien. Et puis j'ai eu des enfants. (petits rires nerveux)" L'amant étant sous-entendu comme suite logique. Mais j'avais mis ça sur l'ambiance "fond de vallée" de son premier poste. Et là horreur, le fond de vallée a envahi toutes les brigades et tous les escadrons de France et internet en prime.
Morceaux choisis : 
"Heureusement qu'on se marie bientot, ça me fait une occupation."
"Pour ma part les 10 mois ont été très long et à certain moment j'ai craquer, mais j'ai du tenir si je voulais que mon homme réussisse à finir les 10 mois."
"je ne regrette en rien d'avoir accepeté ce choix de vie! il faut juste être prête à suivre son mari (pour l'équilibre et le bonheur de son couple) (...)je n'imposerais jamais à mon mari de prendre telle ou telle décision par rapport à son travail, bien qu'il me dise que les décisions se prennent à deux, je pense que sa carrière passe avant tout."
Et le pire de tous de mon point de vue : "je suis femme de gendarme, et j'ai ouvert un form pour nous"
"Nous", c'est ce nous-là que je supporte pas. Certes, on est des femmes, on sort avec des gendarmes, mais ce nous va plus loin. Il implique une sorte de pacte de connivence implicite, qui fait de toutes ces femmes les membres d'une caste secrète. 
J'ai jamais aimé les nous. Et celui-là, je crois que je vais le haïr.

Comment j'ai basculé

-Bonjour, je m'appelle *** et je suis femme de gendarme.
-Bonjour ***!
J'ai basculé il y a plus de trois ans. L'alcool, le rock années 70 au fond de cette cave glauque se donnant le nom de bar... La musique, son odeur, mélange de cigarette, d'alcool et de parfum, je sais pas... 
J'ai pas tout de suite compris dans quoi je mettais les pieds. Au début, ça m'a pas inquiété. J'avais mon appart, il avait le sien, on se voyait quand nos emplois du temps le permettaient, on buvait, on fumait des clopes,on faisait l'amour, on se chamaillait, on sortait, on se poilait, le parfait petit couple dans la vingtaine. 
Puis les grands sentiments sont venus, les grandes déclarations, les fameux "pour toujours" qui souvent empoisonnent... Pas pour nous. Le poison est venu d'ailleurs. Je suis pacifiste, anti-militariste, à gauche toute, je hais Sarkozy, la répression... le cliché de l'étudiante gauchiste qui a tant hanté les postes de TV à la belle époque de la lutte contre le CPE. J'adore.
La gendarmerie, jusque là, je m'enfoutais, j'aimais ce type, gendarme à ses heures, qui me faisait marrer et qui a su me retenir malgré mon incapacité notoire à être stable sentimentalement. Puis les choses se sont gâtées. Il est entrée en école, il est sorti de l'école et il a été nommé... à l'autre bout de la France. Bam, 1000 km entre nous. 
En fait, non, c'est pas à notre rencontre que j'ai basculé. Quand je lui ai dit "tu sais, je pourrais peut-être venir m'installer avec toi..." il m'a regardé, il a souri et il m'a pris dans ses bras... C'est là que j'ai basculé.